samedi 7 juillet 2012

50e anniversaire de l’indépendance : Tahya el Djazaïr Juillet 1962, l’Algérie arrache son indépendance. Le 5 juillet couronne une victoire sur les plans politique et militaire. Une victoire menée avec courage et détermination dans les villes comme dans les campagnes.


Juillet 1962, l’Algérie arrache son indépendance. Le 5 juillet couronne une victoire sur les plans politique  et militaire. Une victoire menée avec courage et détermination dans les villes comme dans les campagnes. Une cause d’un peuple qui a vaincu la peur, la fatalité et s’est levé dans la souffrance pour porter, sur les tribunes internationales, la guerre de Libération nationale déclenchée en cette seconde moitié du 20e siècle. Un soulèvement émancipateur qui aura des conséquences, que l’histoire dans ses cheminements imprévisibles révèlera aux humains plus tard… quand ils prendront le temps d’évaluer, d’analyser et de saisir, après coup, les mutations et changements apportés sur les plans régional et continental. Les télévisions du monde entier, les photographes ont immortalisé le drapeau vert et blanc, frappé de l'étoile et du croissant rouge brandi par des milliers d’Algériens ivres, enfin, de bonheur en ce juillet 1962. Les rues des villes et villages deviennent nos pages où s’écrit l’histoire en direct. Du fond des vallées comme sur les sommets des montagnes, dans les ruelles des casbahs ou les boulevards, sur les terrasses ou à partir des balcons… un seul cri !
Écoutez ce «Tahya el Djazaïr», cri éternel, cri de ralliement, hier déchirant la nuit dans les couloirs de la mort, dans les geôles, dans les maquis et villages. Il est l’ultime cri qui accompagne la dépouille du martyr… un youyou de nos mères à nul autre pareil. Existe-t-il sur terre un Algérien insensible, sourd à ces cris ? En 1830, une France belliqueuse, coloniale embarque sur des navires, traverse la Méditerranée,  déverse une horde qui inscrira au frontispice des grands crimes des XIXe et XXe siècles, les méfaits que même l’usure du temps n’a pas atténués. Des tribus entières ont été emmurées, enfumées, des villages rasés, des régions décimées, une population lettrée, grâce à un dense maillage d’écoles coraniques, est renvoyée dans le Moyen âge. Bugeaud, Saint Arnaud, Pélissier… sont les tristes héros de ces crimes à  grande échelle commis à l’aube du colonialisme, de même que, plus tard, Massu, Aussaresses et tant d’autres restent devant l’Eternel des criminels de guerre pour les innombrables exécutions sommaires, tortures commises par des «équipes de tueurs professionnels» au service d’une république indigne au crépuscule de ce même colonialisme. Une république frappée d’amnésie incapable de se souvenir de la moindre ligne écrite dans la passion et la fureur par d’illustres citoyens de la Révolution française, de la Déclaration universelle des droits de l’homme ou des conventions internationales, et qui aurait pu interpeller sa conscience. Une administration complice, coupable, scribes zélés, prompts à trouver les formules juridiques et les tournures de phrases pour faire disparaître des rapports, le feu du napalm dans l’arrière-pays et l’atroce répression dans les villes ne gardant que l’expression d’une simple administration dans un département relevant de affaires internes de la France.
Le tiers de la population algérienne sera anéanti, exterminé pour les besoins d’une colonisation de peuplement durant la seconde moitié du XIXe siècle. Deux millions, sur une population de huit millions, seront arrachés à leur terre, jetés dans des ghettos, parqués dans des centres de regroupement un siècle plus tard. Le canon et le fusil du début vont être méthodiquement «perfectionnés» pour les rendre plus meurtriers, jusqu’à l’utilisation du napalm dans cette seconde moitié du XXe siècle sous le silence encourageant, consentant d’une administration encore plus coupable et également agissante par son recours à la guillotine. Une force destructrice, d’une telle violence, d’une telle barbarie, s’est abattue sur l’Algérie, et l’Algérien martyr a souffert dans sa chair et son âme. Une nuit longue, de 132 ans. L’Algérie a-t-elle, pour autant, trouvé le sommeil du juste dans cette nuit ?
 Écoutez ces cris de douleur et de rage. Jamais le colon ne trouvera la paix sur ces terres volées qui ne l’ont pas vu naître, dont il n’est pas propriétaire. L’insurrection va, à chaque fois, ponctuer le discours «fermier» des militaires et des colons. Cette terre n’était pas une terra incognita, mais avait ses racines qui plongeaient loin dans le temps. Et quand l’armée pensait avoir «pacifié» la zone, sortait d’un coup, un nom, un étendard, une région ou une tribu pour dénoncer la rapine en cours. «Une petite rébellion de temps en temps, c'est comme un orage qui purifie l'atmosphère.» L’émir Abdelkader, Lalla Fatma N’Soumer, El Mokrani, Bouamama. C’est une nuit sans sommeil, sans repos, sans paix et sans bonheur... mais avec courage. « Il n'est point de bonheur sans liberté ni de liberté sans courage », tranche un stratège du nom de Périclès, il y a 25 siècles, à Athènes.
 « Il faut avoir beaucoup erré dans l’Ombre pour toucher la Lumière… ». Le vingtième siècle sera celui du combat, de l’éveil à la nation, et le glas va sonner sur les rêves d’empire napoléonien, que le XIXe siècle a transplanté en Algérie. Plusieurs  leaders algériens sortent des rangs, se singularisent de la masse et revendiquent à la France le droit à l'égalité ou à l’indépendance.
L'émir Khaled, Messali Hadj, Ibn Badis, Ferhat Abbas... Un bouillonnement et foisonnement d’idées qui vont mûrir en s’entrechoquant tant les méthodes divergeaient. Bientôt les partis politiques vont apporter, sous une apparente rivalité, un nouveau souffle que le centenaire de la colonisation, en 1930, n’arrive pas à faire taire : les mouvements réformistes, mouvement pour l'égalité, Association des oulémas musulmans algériens, Parti du peuple algérien, Amis du Manifeste des Libertés, Parti communiste algérien... Même les échecs et limites dans la vision, même les oppositions entre eux ne vont, en fait, que mieux les préparer pour un seul rendez-vous. Les échecs passés ne font que préparer à une rencontre inscrite même dans les gènes de l’histoire. « Pour les questions de style, nage avec le courant ; sur les questions de principe, sois solide comme un roc.» Et ce roc va faire parler de lui en novembre 1954.
 Nos aînés nous ont restitué un pays qui, par sa superficie, est le plus grand pays du continent africain, du monde arabe, et du pourtour méditerranéen... Hier, on a écrit notre histoire dans l’adversité ; aujourd’hui, notre histoire s’écrit avec le savoir dans les universités, avec la démocratie dans les partis, avec la république dans les institutions de l’État et, surtout, avec le potentiel de la jeunesse... seule réserve inépuisable du renouveau.
 El Moudjahid

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